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Swami  Madhurananda

Par  Swami  Madhurananda
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                    Le yoga est une science au service de la vie mais aussi un art et une culture. Sa pratique régulière et progressive à la lumière de la Tradition permet une réalisation personnelle dans le sens d’un savoir être épanouissant et rayonnant.

Nous avons souvent tendance à idéaliser la période de l’enfance parce qu’elle signifie innocence, candeur, facilité, légèreté. Mais en tant qu’adulte, un jour ou l’autre, nous nous rendons compte que nous y avons tissé un grillage solide pour nous protéger de nos souffrances. C’est donc que l’enfance n’est pas une période si facile. J’envisage le yoga comme une possibilité pour l’enfant de « grandir » dans toutes ses dimensions de façon harmonieuse, de libérer les tensions inhérentes à la vie et de s’affirmer dans son individualité.
Pour les enfants, un cours de yoga c’est d’abord l’occasion de se connaître, car on y parle beaucoup de qualités et on les développe. C’est un aspect non négligeable, car l’éducation met beaucoup l’accent sur les défauts, des défauts qu’il faut corriger, nous en sommes tous des témoins vivants. Quel contrat ! En famille, il leur faut prendre leur place et se situer, mais « s’arranger » pour être aimés et reconnus. Ce qui signifie quelques concessions qui, à la longue, finissent par avoir raison sur l’être. A l’école, l’enseignement  même s’il comprend savoir, savoir être et savoir faire, privilégie savoir et savoir faire. Là encore l’être « en prend un coup », la sensibilité, la créativité, l’affectivité, ont peu de place dans les programmes. Dans la société, tout se complique dans la multiplication des enjeux, c’est là que tous les mécanismes se renforcent. Quand la performance intervient sur un terrain  fragilisé, elle fait des ravages.
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        A titre indicatif, voici des situations où le yoga peut venir en aide aux enfants. Il est reconnu que le port du cartable trop chargé et la position assise en classe, peuvent avoir des effets négatifs sur leur dos. Certaines postures, pratiquées quotidiennement peuvent compenser leurs conséquences désastreuses difficiles à contourner sur le plan pratique, en éliminant les tensions. La relaxation prend ensuite le relais pour rétablir la circulation de l’énergie. Le résultat s’exprime par un bien être physique qui a des retombées sur leur comportement. Les techniques de respiration ont un rôle à jouer au niveau émotionnel et mental. Nous avons tous connu les bancs de l’école, le stress, la pression qui supplante souvent la motivation pour réussir, les relations pas toujours faciles avec l’enseignant et les pairs, tout un lot d’émotions dans des registres et degrés variés, une énergie qui demande à être libérée et canalisée. La respiration pratiquée selon certaines règles permet d’éliminer et d’apaiser les traces laissées par le tumulte intérieur de ces situations, incontournables elles aussi.

Le yoga comprend tout un ensemble de techniques dont la pratique permet d’harmoniser tous les aspects de l’individu. A l’échelle de l’enfant l’objectif reste le même, cependant, le programme est plus simple et à sa portée. Le travail est orienté vers le corps physique au moyen des postures (asanas), de respirations (pranayama) et de relaxation (Savasana). Celui-ci favorise un développement harmonieux, renforce les os, assouplit la musculature, assure un bon équilibre postural. Sur le plan psychique, les asanas développent la concentration, la confiance en soi, la force intérieure, l’endurance, l’ouverture et la créativité. Elles lui permettent en outre d’améliorer ses capacités d’écoute, d’attention, sa concentration, sa capacité d’adaptation et son aptitude à apprendre. Enfin, elles travaillent à réaliser un équilibre psychophysique en développant la volonté, le calme, la gestion des émotions, leur maîtrise et la gestion du stress.
Le yoga pour les enfants reste une discipline mais il laisse place à la spontanéité et au jeu qui leur permettent de se ressentir, d’être avec les autres dans un mouvement qui respecte la vie. C’est une expérience positive à tous les points de vue. Il suffit de peu de temps de pratique pour que les enfants comprennent que le yoga pour eux, « c’est essentiel ».
L’enseignement lui-même, pour être au service de la vie, demande à être adapté à l’enfant, il doit tenir compte de sa croissance physique, de son évolution psychologique, afin de lui permettre de se construire « un esprit sain dans un corps sain ». Il devient un art en permettant à l’enfant d’exprimer ce qu’il est de manière positive par une attitude et des comportements mettant en jeu sa sensibilité, sa créativité. Il est « culture » quand il lui enseigne à établir une relation avec lui-même, une relation à l’autre et à la vie dans une atmosphère de partage où il se sent prendre sa place et être reconnu. En d’autres termes, on ne se lance pas dans cet enseignement sans un minimum de connaissances.
Les formations de professeurs de yoga sont destinées aux adultes. Quand le public est particulier, une formation spécifique est nécessaire avec un savoir et un savoir faire adaptés. Le contexte de cet enseignement aux enfants est à la discrétion de chacun. L’école, les centres de loisirs, les centres de petite enfance sont demandeurs et cette liste n’est pas exhaustive.
Etant à la fois enseignante et professeure de yoga, j’ai eu l’occasion d’enseigner le yoga aux enfants de 3 ans à 12 ans en des lieux variés et dans des structures différentes, ceci depuis près de vingt années. Je peux ajouter « avec succès ». Dans une école, où j’étais également directrice, je l’ai enseigné dans toutes les classes. D’une part les enfants avec le temps ajustaient leur comportement, ce qui avait une incidence directe sur l’ambiance de l’école, d’autre part les apprentissages étaient facilités : tout le monde était heureux ! Les enfants, les enseignants, les parents. Pas une ombre au tableau.
En ce moment je vais dans une école privée, je donne un cours de yoga à des enfants de 10 à 12 ans, dans le cadre d’une activité parascolaire. Un cours de yoga avec les enfants suit la même chronologie qu’avec les adultes. Un retour au calme après une journée de cours leur permet de laisser les fatigues, les soucis pour passer à autre chose. Car les enfants ont leurs soucis et leurs fatigues. On confond souvent leur excitation avec de l’énergie. Or, ils sont fatigués et puisent leur énergie dans les réserves nerveuses comme les adultes. Ils sont fatigués par le rythme scolaire qui demande beaucoup trop d’attention, de concentration et ne donne pas assez de place au corps, à l’exercice physique, à la créativité. Je n’exprime pas là une critique de l’école et des enseignants : j’ai fait ce travail une trentaine d’années et je sais qu’il n’est guère possible de faire autrement, à moins d’une remise en question collective.   Suite au court repos mis à profit pour « mieux respirer », se détendre, parfois aussi s’harmoniser avec le groupe, des exercices de préparation, « les pawanmuktasanas » constituent une mise en mouvement progressive du corps et la conscience s’y promène pour approfondir le contact et la détente. Les articulations sont assouplies, la musculature échauffée, étirée, l’énergie cumulée en vue de la mise en mouvement qui suit.  Les postures viennent ensuite mobiliser l’attention sur différentes parties et de façon précise, travailler à la construction harmonieuse du corps. Les effets sont communiqués, autant sur le plan physique que psychique. Certains mots encore un peu abstraits suscitent des questions, je les explique et je les fais ressentir. Je sens qu’un courant passe, une compréhension mutuelle s’installe, des tensions tombent, l’intérêt s’éveille. La confiance est là. Les petites confidences çà et là, les questions glissées discrètement quand je passe près d’eux ou à la fin du cours en font foi. Chaque séance se termine par une relaxation où je mets l’accent sur le ressenti, la visualisation pour garder l’intérêt, et parfois un jeu qui donne une bonne idée du Yoga : un temps pour la discipline, un temps pour jouer ! Yoga et Bhoga.
Le yoga peut s’intégrer à l’école de façon différente, par le biais d’un projet qui peut prendre différentes formes. Dans mon expérience passée, il a été inclus dans des projets comme «A l’école, je positive », « Aide aux enfants en difficultés d’apprentissage ». Ces derniers plus que les autres ont un besoin de reconnaissance, en chute libre avec l’échec scolaire. Les efforts diversifiés et considérables soutenus par les enseignants consciencieux et dévoués n’aboutissent pas toujours au résultat escompté. C’est très pénible à vivre de tout côté. « Former des enfants chercheurs » dont un volet consistait à mieux se connaître, connaître son corps. « Education à la citoyenneté », « Vivre ensemble », en proposant des alternatives positives en réponse à des comportements difficiles tels que : agressivité, turbulence, manque d’attention. Le contexte actuel propulse les parents dans une dynamique de vie où ils ont peu de temps à accorder à leurs enfants, ceux-ci ont du mal à trouver leur place. Ils manquent d’attention et font tout ce qu’ils peuvent pour manifester leur existence, du bruit aux « bêtises » avec une progression et une aggravation qui suscitent bien des questions. « Accompagner les apprentissages », tout simplement : pourquoi pas ? Le système scolaire exige  beaucoup de l’enfant. Associer ces apprentissages à dominante théorique à l’acquisition d’un savoir-faire et d’un savoir-être, donne à la connaissance, une ouverture sur soi et sur le monde qui ne manque pas d’intérêt. Le but étant de rendre l’enfant disponible pour écouter, comprendre, intégrer le bagage nécessaire à sa formation. En yoga, cela se traduit par : respirer, se détendre, se sentir bouger, prendre contact avec le monde environnant. C’est un éveil progressif sur son monde intérieur où l’enfant développe une autre conscience des autres.
J’ai lu dans une revue pédagogique récemment, le récit d’une expérience semblable, intégrée dans une école par les soins d’une professeure d’éducation physique, sans doute formée au yoga par ailleurs. Un succès reconnu. Ce rôle d’enseignement du yoga peut être confié dans un premier temps aux professeurs de yoga qui ont à leur acquis la pratique, l’expérience et le savoir faire de base. La dimension du « Yoga pour les enfants » est une option à ajouter à leur formation. J’ai le cœur à envisager que les enseignants eux-mêmes « se lancent » un jour, mais cela leur demande une formation dans ce sens. Cela permet, et j’en témoigne, de glisser au besoin, dans la classe, un exercice qui prend quelques minutes et permet de rétablir le calme, polariser l’attention, favoriser la concentration.  Je rêve…mais « Rien n’est une perte de temps si vous utilisez l’expérience sagement ». 

Pour conclure, revenons à l’enfant, au cœur de cette démarche, l’objectif est de l’aider à se développer harmonieusement dans un processus qui allie discipline et créativité. Lui permettre de vivre une expérience de  détente et de bien-être qui favorise également la détente sur le plan émotionnel et mental par la relaxation et la respiration. Lui proposer des exercices qui lui font prendre conscience de son corps et qui tiennent compte de ses besoins physiques et physiologiques. Encourager l’éveil de sa créativité dans l’exploration de ses capacités corporelles. Le guider pour qu’il développe le potentiel de qualités présentes en lui et qui sont transférables dans ses apprentissages : écoute, concentration, équilibre, maîtrise, calme. Le but de l’éducation est le bonheur dit Arnaud Desjardins, dans son livre, « Pour une vie réussie, un amour réussi ». Il ajoute que les échecs et les problèmes avec les jeunes aujourd’hui, viennent du fait que les enfants ne sont pas heureux. Les enfants ont donc besoin de s’épanouir tout en préparant leur vie d’adulte. Je suis persuadée que le yoga, même s’il n’est qu’un aspect dans l’éducation, peut remplir ce rôle.

  
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